(KB SAP CONSULTING) – Le 26 Avril 2022, la Présidence Centrafricaine par le biais de son Directeur de Cabinet a procédé à une annonce détonante, relative à l’adoption du Bitcoin comme monnaie officielle aux côtés du FCFA, légalisant ainsi l’usage des cryptomonnaies dans les règlements des transactions en Centrafrique.
Le contexte
La décision du gouvernement Centrafricain vient une fois de plus mettre en lumière l’influence croissante des cryptomonnaies dans le système monétaire international. Et, ce malgré les oppositions fermes et répétées des banques centrales, au sens conventionnel. Pour mieux comprendre cette opposition, il convient d’interroger leur mode de fonctionnement.
Les risques liés aux cryptomonnaies
Depuis leur apparition, plusieurs constats sont caractéristiques des cryptomonnaies :
Leur volatilité expose les usagers à une éventuelle instabilité transactionnelle. En effet, en décembre 2017, le cours du Bitcoin a dépassé les 13 000$, avant de refluer en dessous de 11 000$ en janvier 2018.
Cours du Bitcoin entre 2015 et 2022 (en dollar US)
Source : STATISTA, 2022
Elles ne sont ni contrôlées, ni garanties, ni émises par une banque centrale. Par ailleurs, certaines d’entre elles ne sont adossées à aucune valeur stable (étalon d’or, etc.). Ces monnaies virtuelles sont la plus grande cible des cyberattaques et des piratages informatiques. De ce fait, les usagers sont exposés à des fraudes dans les marchés de change de cryptomonnaies.
Faute de contrôle direct, les cryptomonnaies peuvent être utilisées à des fins de collecte de fonds, dans le but de soutenir la contrebande, les activités criminelles, le terrorisme et le blanchiment d’argent. En effet, en 2011, le Département américain de la Justice présentait le Bitcoin comme la monnaie de prédilection des trafiquants de drogue. Onze (11) ans plus tard, en 2022, le « Crypto Crime Report » fait état de 14 milliards de dollars qui auraient été transférés en 2021 vers des adresses de portefeuilles illicites, soit 78 % de plus qu’en 2020.
Dans les régions touchées par la guerre civile camerounaise, l’AMBACOIN [2], destinée à soutenir le terrorisme a vu le jour. Selon CHAINALYSIS, 33 milliards de dollars de cryptomonnaies ont été blanchis depuis 2017. Notons cependant qu’en zone CEMAC, l’absence d’une masse suffisante de devises nécessaires à l’achat des cryptomonnaies, ainsi que le faible taux de bancarisation des populations, ne font pas craindre un risque majeur d’achats de masse des cryptomonnaies à des fins criminelles.
Par le mécanisme de la pyramide de PONZI, des sociétés privées (CHYMALL, HIGHLIFE, MEKIT INVEST, etc.) détenant leurs propres monnaies virtuelles, ont dû collecter l’épargne publique, promettant des rendements à des taux très élevés.
En dépit de ces limites, les cryptomonnaies présentent également des opportunités et des avantages, justifiant non seulement leur adoption massive, mais aussi leur vulgarisation.
Les avantages des cryptomonnaies
Les processus de la blockchain sont plus transparents et la base de sauvegarde de l’historique des informations est sécurisée.
Aussi considérables que peuvent être les risques de pertes, les opportunités de croissance demeurent certaines. A titre d’exemple, un bitcoin qui valait moins d’un dollar en 2008, vaut actuellement environ 30 000 $. Les coûts de transaction sont faibles, relativement à ceux des banques traditionnelles.
Les citoyens des pays frappés par une forte inflation sont susceptibles d’opter pour les cryptomonnaies, puisque fondées sur un principe de décentralisation, elles offrent une alternative aux politiques des banques centrales. Tel a été le cas au Zimbabwe qui a connu en 2015 une inflation record. Dans le même ordre, le gouvernement du Venezuela a mis en place une cryptomonnaie, le « petro » pour contourner les sanctions américaines, et faire face à l’inflation.
La règlementation en zone CEMAC
Les processus de la blockchain sont plus transparents et la base de sauvegarde de l’historique des informations est sécurisée.
En zone CEMAC, le règlement N° 04/18/CEMAC/UBAC/COBAC de 2018 relatif aux conditions d’exercice et de contrôle des services de paiement, n’évoque pas l’usage des cryptomonnaies. Toutefois, des voix au sein des institutions monétaires sous-régionales s’élèvent contre l’adoption des cryptomonnaies comme monnaie d’échange. De ce qui précède, une mise à jour de l’actuelle réglementation permettant de recadrer l’utilisation des cryptomonnaies dans la zone devrait être envisagée.
Comme perspectives d’avenir, la CEMAC devrait également songer à mettre en place sa propre Monnaie Digitale de Banque Centrale (MDBC). Cette dernière aurait l’avantage d’être moins volatile, à condition qu’elle soit adossée à une valeur stable. Cette monnaie devrait être attachée à une activité créatrice de richesse, afin d’être pertinente et favoriser son extension.
NOTES
[1] La blockchain est décentralisée (aucun individu n’a le contrôle total sur toutes les transactions), distribuée (plusieurs participants jouent le rôle de nœuds, conservant une copie de toutes les opérations) et protégée par la cryptographie.
[2] Source : https://.voaafrique.com/a/l-ambacoin-monnaie-virtuelle-des-s%C3%A9paratistes-anglophones/4715584.html. Consulté le 28/05/20222
REFERENCES
[1] Lettre de Recherche de la BEAC, N°5, 2ème Semestre 2018
[2] Revue des droits des affaires en Afrique : « De la nécessaire règlementation de la cryptomonnaire dans la zone CEMAC »
[3] Site web : https://www.cafedelabourse.com/archive/article/bitcoins-monnaie -virtuelle-investir-crypto-monnaie, consulté le 28/05/2022
[4] Site web : https://variances.eu/?p=2818; consulté le 27/05/2022
[5] Règlement N° 04/18/CEMAC/UBAC/COBAC du 21 décembre 2018
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